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La Maternité, Mathieu Simonet

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La mère de l’auteur est en fin de vie. Atteinte d’un cancer du sein puis des os, elle refuse certains traitements et s’entête dans son addiction au tabac et à l’alcool. L’auteur l’accompagne comme il le peut vers la mort.

 

« On prend un café près de la gare de Clamart, à trois cents mètres de chez maman. Elle dort sans doute. C’est le milieu de l’après-midi. J’hésite à aller la voir. Je me dis que la mort, ça doit ressembler à ça : être tout près de quelqu’un et ne pas pouvoir le voir. » (page 66)

 

Par cercles concentriques, par petites touches, Mathieu Simonet dresse un état des lieux non pas de la mort mais de ses effets sur nos vies.

Il mêle ses réflexions personnelles, les propos de « professionnels de la mort » (médecins, responsables de chambre mortuaire, prêtre, bénévoles en soins palliatifs mais aussi psychologues, aides-soignants) qu’il est allé recueillir, les témoignages d’artistes et les contributions de ses deux parents, séparés de longue date, à qui il fait faire des jeux d’écriture, et produit finalement, à partir d’un matériau familial et personnel, un « objet littéraire » inclassable, tentative de combler le « vide qui ne se remplit jamais » que laissent ceux qui partent.

« Mon manuscrit est une pâte à gâteau. Je le malaxe. J’introduis des grumeaux. Je cache des médailles. De la fleur d’oranger. » (page 81)

 

C’est que les parents de l’auteur, sa mère en particulier, sont plus romanesques que n’importe quels personnages de fiction. Et leur écrivain de fils, avec lucidité et distance, parvient à les dépeindre comme tels.

« Un jour, maman m’a dit : « Tu peux écrire que je suis une pute, une alcoolique, une mauvaise mère. La seule chose que je t’interdis, c’est de ne pas t’inspirer de moi. » (page 95)

 

Parce qu’il le fait s’interroger sur le sens de l’existence tout entière, ce projet est aussi l’occasion pour l’auteur d’analyser son travail d’écriture. Cela donne quelques perles – « Il y a un labyrinthe dans un roman que seul l’écrivain connaît. » (page 75) ; « Ecrire, c’est faire de la chirurgie à l’instinct. » (page 84) ; « Mon manuscrit ressemble à un jeu de piste ; je suis le seul à m’y perdre. Avec des flèches dans tous les sens. » (page 148) ; « A la fin de mon texte, je suis un punching-ball. » (page 153)

« Parfois je pense que mon écriture, c’est le camion que je garde. Et que je refuse de poser au sol. Même si les hommes en cagoule menacent de se tuer. » (page 73)

 

Empreinte d’une sensibilité qui ne laisse pas indifférent, l’écriture de Mathieu Simonet est à la fois très simple et très imagée, comme si les images constituaient le seul moyen de mettre en mots l’indicible.

 

« Maman est devenue schizophrène. Un fragment de son cerveau sait qu’elle va mourir. Un autre sait qu’elle va guérir. Les deux fragments ne se rencontrent pas. Ou peu. » (page 113)

« Quand je veux parler de la mort de maman, je réfléchis toujours quelques secondes. J’évalue ma capacité physique à parler sans pleurer. Je lance une phrase. Deux phrases. Attentif au bloc de glace. J’attends qu’il fonde. » (page 67)

« Quand je mange un yaourt, je me dis parfois que la date de péremption sera postérieure au décès de maman. » (page 145)

 

Ce livre, « La Maternité », du nom de l’ancienne fonction de ce qui est désormais le centre de soins palliatifs ou s’est éteinte la mère de l’auteur, parce qu’il interroge sur la façon dont on vit avec la mort, parce qu’il dit avec beaucoup de douceur ce qui ne l’est pas, est un ouvrage à part mais important – sinon nécessaire.

 

http://lamaternite.net/

 

Rendez-vous jeudi 14 juin à partir de 20h à la librairie Le Comptoir des Mots
(239 rue des Pyrénées, Paris 20è) pour une rencontre
autour de La Maternité et de Trois années avec la SLA.

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